"Cette petite âme blanche, elle sera née deux fois; la première entre vos hanches, la seconde entre nos bras"
Voilà ce qui m'a traversé l'esprit avant-hier après-midi, quand j'avais posé sur mes genoux la tête brulante d'un cheval mal en point, pour ne pas dire mourant... Il faut que je le raconte (même si personne ne le lit (et personne ne lira étant donné que personne ne vient), il faut quand même que je case ça quelque part). Donc voilà: journée de stage au manège, on termine les boxes (qu'on a pas su faire au matin) dans la chaleur bouillante du début d'après-midi. Tout à commencer par un bruit; le cheval (poney en réalité) lâché dans la piste le temps qu'on nettoye son box tape dans la porte comme un malade, on le rentre, il se jette par terre dans son box, se roule, se coince le long du mur, se débat, transpire à tel point qu'il est littéralement trempé, parvient après mains efforts à se relever, chote dans les murs, vers nous, se laisse de nouveau tombé, se tord dans tous les sens, alors hop, véto. On appelle un premier, il ne sait pas venir "tant pis, on prendra quelqu'un d'autre", ma monitrice raccroche sur ces mots, téléphone à un autre vétérinaire, il vient tout de suite, elle appelle les propriétaires "venez, mais ne prenez pas Tristan", Tristan le petit garçon à qui appartient ce poney. Entre temps, on a décidé de le sortir du box et de le faire marcher pour éviter qu'il ne se fasse une torsion d'intestin en se roulant de la sorte (si c'était le cas, c'était disons... 10% de survie? oui, quelque chose comme ça, c'est à dire rien du tout...) mais pour le faire marcher, il faut un licol, mais impossible de l'approcher. Cependant, à certains moments, il se fige, reste étalé de tout son long, peine à respirer, il est brulant et crève de chaud, on le rince avec des éponges, on l'asperge légerment d'eau, il se calme un peu... et pas pour longtemps, deux secondes plus tard, il est soit debout et nous, de notre côté on essaye qu'il ne nous frappe pas, il est comme fou, soit de nouveau à se rouler par terre, se débattre... Il se refige ensuite, on essaye de lui mettre un licol, raté, on réessaye, raté, encore, raté, encore, raté, encore, et j'y suis presque, j'y suis presque et tout d'un coup il envoit un grand coup de tête qui ejecte le licol de l'autre côté du box. On court en chercher un autre, et on réessaye, raté, encore, raté, encore, oui! j'ai réussi, mais bon, le licol est trop grand et il manque de tomber à chaque fois que le poney se roule, il se relève, on le prend vite et on le force à marcher, à peine arriver en piste, il se laisse de nouveau tomber, on le relève, il marche un peu puis de nouveau tombe, se couche de tout son long. Il est si mouillé de sueur et il s'est tant roulé qu'il est entièrement couvert de sable boueux, je profite d'un moment où il ne se débat pas pour m'approcher de lui et changer son licol. Je m'accroupis dans le sable et soulève doucement sa tête, la pose sur mes genoux, il ne réagit même pas, il souffle et souffre, et on ne peut rien y faire, ses yeux sont vitreux et il est plus que brulant. "cette petite âme blanche, elle sera née deux fois..." oui, c'est tout ce qui m'est venu à l'esprit.
On a dû vite l'emmener en clinique, ce que lui avait donné le vétérinaire n'agissant pas, 1/3 de survivre... Je ne vous dit pas toutes les peines qu'on a eues en attendant le vétérinaire et les prorpiétaires, puis le transport pour l'emmener en clinique, il ne fallait pas qu'il se roule encore, on le faisait marcher, durement, quand il se couchait, tous les moyens étaient bons pour qu'il se relève, et tout le monde était là, chacun faisait ce qu'il pouvait, et enfin, le camion est arrivé et se fut la fin de nos peines, quand ils sont rentrés de la clinique, ils nous ont dit qu'ils auraient des nouvelles à 6 heures, donc dans une demie-heure, pour savoir si cela valait la peine de continuer l'opération on non. Je suis ensuite assez vite rentrée chez moi, et j'attendais 18h avec inquiétude, il était environ 18h30 quand tout d'un coup, la nouvelle s'est propagée partout. Le poney était en vie et tout allait bien mieux...
La vie n'est rien en fait, elle ne dépend pas de grand chose, tout ne tient qu'à un fil, vaut mieux donc qu'il soit solide. C'est aussi pour ça qu'on a les amis.
Song : Francis Cabrel - La robe & l'échelle